LA NOUVELLE-CALÉDONIE AU TEMPS DU BAGNE
La Nouvelle Calédonie n’a pas toujours été un petit bout de paradis sur terre. Il suffit d’aller en brousse visiter le Fort Teremba sur la côte Ouest de l'ile pour comprendre qu’elle a d’abord été une terre d’exil.
En France, au début du XIXème siècle, les condamnés qui échappaient à la peine de mort étaient soumis à la peine des travaux forcés accomplie dans les bagnes de villes portuaires (Brest, Marseille, Toulon, Rochefort). Face à la dégradation et la surpopulation rapide de ces établissements, Napoléon III fait adopter en 1854 la loi sur la transportation. Les condamnés allaient alors purger leur peine dans des possessions françaises, hors de la métropole.
Pendant 9 ans, les premiers convois prennent la direction de Cayenne, en Guyane française. Seulement, le climat est difficile à supporter et engendre le décès de plus de 3 000 bagnards et près de 1000 gardiens. Les premières missions d’exploration des Européens prédisaient très tôt l’intérêt d’une utilisation colonialiste de la Nouvelle-Calédonie qui fut alors officiellement désignée comme terre d’exil le 2 septembre 1863, 10 ans après avoir été nommée colonie française.
De 1864 à 1897, près de 22 000 transportés ont ainsi été envoyés en Nouvelle-Calédonie. Le voyage de 123 jours était interminable, d’autant que les transportés étaient enfermés dans des cages. Cette peine paraît lourde mais les crimes étaient de taille (principalement des meurtres et tentatives de meurtre, parfois des vols importants, du recel ou de l’usage de faux).
Pourquoi ces condamnations sont-elles à l’origine de la société calédonienne d'aujourd'hui?
Les condamnés à plus de 7 ans de travaux forcés, qui représentaient la grande majorité, ne pouvaient quitter la Nouvelle-Calédonie, même après leur libération. Cet exil pénal devient donc définitif pour beaucoup de transportés, dont les descendances ont créé les "Caldoches".
En 1871, la Nouvelle Calédonie compte 4 bagnes, dont 3 situés en brousse (Uaraï, Bourail, Canala). Les premiers transportés arrivaient au pénitencier central de l’ile Nou (aujourd’hui Nouville), tout près de Fort de France (aujourd’hui Nouméa). Ensuite, le Gouverneur Guillain, en charge de la transportation, crée le premier centre de colonisation pénale. L’idée de cet humaniste, souvent jugée utopique, était de purger sa peine de façon constructive, chaque condamné se voyant attribuer quelques hectares de terre à cultiver. En d’autres termes, cette méthode permettait aux transportés de créer leur avenir sur la terre calédonienne.
Les bagnards exemplaires deviennent ensuite des "colons bagnards", leur transportation servant la colonisation. Dans les concessions rurales, ils cultivaient la terre et en commercialisaient les récoltes. Dans les concessions urbaines, ils peuvent retrouver leur métier d’origine. C’est ainsi que l’on voit éclore, à la fin du XIXe siècle, les boulangers, les commerçants, les coiffeurs, les horlogers, les menuisiers, les cordonniers, les chauffeurs de taxi etc. Au départ, le manque de femmes était palpable, c’est pourquoi elles ont ensuite pu rejoindre leur mari concessionnaire. Les célibataires, quant à eux, pouvaient rencontrer des femmes kanak, ce qui explique le métissage considérable de la population calédonienne d’aujourd’hui. Les enfants issus de ces unions étaient alors placés dans des internats de 3 à 18 ans (Bourail pour les garçons, Fonwhary pour les filles).
A force de discipline et de labeur, bon nombre de concessionnaires sont parvenus à reconquérir un statut social et une certaine aisance financière. Ces milliers d’hommes et de femmes condamnés sont à l’origine de la société calédonienne actuelle. Les "Caldoches" sont présents depuis plusieurs générations et font désormais partie intégrante du paysage calédonien.